Guerlain Shalimar Parfum Initial L'Eau (2012): Un Langage Plus Pur pour la Parfumerie {Perfume Review & Musings}

Shalimar_Initial_Eau_2.jpgAinsi que le suggère son nom au thème aquatique, Shalimar Parfum Initial L'Eau est bien une interprétation beaucoup plus fraîche et pétillante de la version nouveau-siècle du Shalimar des Années Folles qu'est Shalimar Parfum Initial introduit en 2011. De fait, on se retrouve là devant une composition qui surprend véritablement par sa fraîcheur, son effervescence, dépassant ainsi la promesse contenue dans le nom du parfum. Cette impression centrale repose sur une note persistante de bergamote, moins fruitée que dans le Shalimar des origines, plus brusque et moderne, offrant même une nuance métallique froide...

L'autre surprise pour les sens est le savant contraste élaboré par Thierry Wasser afin de conserver des textures différenciées aux notes tour à tour fraîches et chaleureuses du parfum. Les notes hespéridées restent distinctes de la douceur veloutée de l'iris et de la chaleur à effet de fourrure de l'ambre gris - plus animal - et de l'ambre - plus végétal. De cette façon, au lieu de se fondre et de se confondre, ces deux univers demeurent séparés mais curieusement liés néanmoins par l'idée d'un contraste quelque peu dissonant. On a le sentiment là d'assister au spectacle d'une prouesse technique.

Shalimar Parfum Initial L'Eau est également un parfum poudré. Il semble avoir renoué en fait plus étroitement avec la facette poudrée - et l'on a envie de dire aussi "bergamotée" - du Shalimar des origines, un contraste classique et familier pour ceux qui l'ont porté. Peut-être plus proche dans le temps, on y reconnaîtra aussi  l'accord de poudre fraîche de Shalimar L'Eau mais avec beaucoup plus d'insistance mis sur une facette hespéridée plus marquée.

Le parfum s'arrondit au fur et à mesure de son développement, devenant plus ambré et sucré. Bien qu'il ait débuté sur des notes de tête très fusantes, le fond est résolument autre: doux et oriental, offrant une atmosphère intimiste comme un boudoir de couleur rose tendre (Rosa Damascena) où des houppes de duvet de cygne traîneraient avec nonchalance sur une coiffeuse en désordre. La note hespéridée étant très tenace, elle ne quitte jamais vraiment les lieux.

Les conditions hivernales étant ce qu'elles sont à l'heure actuelle, il faudra attendre les beaux jours pour voir si cette note poussée d'hespérides pourra être estimée véritablement salutaire. Ma réaction personnelle à ce point est de penser qu'elle est parfois un peu trop insistante et aiguë dans sa tonalité. Je me souviens cependant avoir lu une fois qu'Antoine Maisondieu adore la bergamote ce qui m'avait fait mieux comprendre pourquoi il semblait doubler ou tripler la dose de cette note dans certains de ses parfums. Ceux qui aiment la bergamote apprécieront. Il me semble que comme tout parti-pris, elle incommodera certaines personnes et retiendra l'attention des autres. Mais enfin il faut bien le dire, il s'agit là d'une composition qui se retient d'être complètement harmonieuse et jolie. Il y a un petit effet troublion et excessif à prendre en compte, un jet de la matière auquel on n'a pas voulu résister. Bien au contraire, on a voulu l'encourager.

La maison Guerlain fournit des renseignements éclairants à ce propos. Cette bergamote que l'on remarque si nettement est issue d'une communelle sélectionnée par les soins personnels de Thierry Wasser. On savait que le parfumeur de la maison entretenait des liens privilégiés avec un producteur de bergamote, en voici le résultat palpable. L'accord hespéridé, nous dit-on, est renforcé par une essence de néroli de grande qualité et une nuance d'écorces de pamplemousse. Et finalement, l'explication la plus révélatrice est sans doute la suivante, "Cette fraîcheur de tête ardente traverse la fragrance de part en part et signe là son originalité et son identité particulière".

En un sens, on pourra y voir là l'influence d'un mode d'écriture typique de la parfumerie dite de niche laquelle naît souvent d'une idée claire, centrale et volontiers simplificatrice, d'une idée-force aisée à retenir. Il s'agit là d'une recherche intéressante et authentique d'un effet de signature olfactive. On veut se distinguer olfactivement plutôt que visuellement puisque pour l'essentiel, la publicité et le flacon demeurent les mêmes. C'est donc une tentative de retour à un langage plus pur pour la parfumerie.

Le lancement est prévu pour le 1er mars 2012.

 

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