A Visit to Divinessence - Divinessence ou la Caverne d'Ali Baba {Perfume History & Facts}

Diorling_Grace_de_Monaco_2.JPGDiorling flacon signed by Georges Picaud commissioned by Dior to pay homage to Princess Grace of Monaco/Grace Kelly in 1963. Baccarat crystal enameled with bronze. The topper represents a rose bud.

 

This article recounts a visit which took place in 2008 to the perfume exhibition called Divinessence. Due to the date, it becomes a page taken from the Parisian chronicles, a genre which mixes sense of observation, literary style and a great feeling for the Parisian context.

Yasmine is a collector of miniatures, fragrance flacons and a lover of perfume since her childhood. She is also a specialist of gardens at the City of Paris.

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Cet article raconte une visite qui eut lieu en 2008, au Salon Divinessence. Il devient de par sa date, une page tirée des Chroniques parisiennes, un genre mêlant sens de l'observation, coup de plume et un grand sens du contexte parisien.

Yasmine est une collectionneuse de miniatures, flacons de parfums et une amoureuse des parfums depuis son enfance. Elle est aussi une spécialiste des jardins à la Ville de Paris.


Par Yasmine

C’est en 1927 que l’Hôtel Ambassador a ouvert ses portes sur le boulevard Haussmann fraîchement terminé, alors même que l’industrie du parfum vivait une révolution. C’est aussi à l’hôtel Ambassador que la 12e édition du salon Divinessence a eu lieu, le 5 et 6 décembre derniers.

Les miroirs de l’Hôtel Ambassador ont très certainement vu se refléter les silhouettes des grands noms de la parfumerie de l’époque et de celles de leurs successeurs : Elsa Schiapparelli, Pierre-François Lubin, Jean-Alexandre Patou, François Coty… C’est en effet non loin de là que certains d’entre eux eurent leurs premières boutiques : place Vendôme pour Schiapparelli, rue Sainte-Anne (autrefois rue Helvetius) pour Lubin, rue Saint-Florentin pour Jean Patou ou encore rue de la Boétie pour François Coty...
 

Le Salon Divinessence accueillait 30 exposants : les plus grands collectionneurs français. L'espace n’était pas immense, mais il était dense. On pouvait y voir, pêle-mêle, des flacons des 18e, 19e et 20e siècles, des accessoires de mode, les boîtes à poudre et les rouges à lèvres de nos grands-mères, des objets publicitaires, des bijoux. Il n’y avait pas seulement des collectionneurs, mais aussi des créateurs et un éditeur de livres d’art consacrés aux parfums. Les vitrines, les flacons, les miroirs sur les murs…tout scintillait, miroitait et nous incitait à la tentation. Une caverne d’Ali-Baba en plein Paris !

Notre chemin a croisé celui de Claude Marchal, un créateur de flacons passionné, à l’enthousiasme  contagieux. Il nous a expliqué qu’il créé lui-même ses flacons, les dessine et les modèle depuis 14 ans. Il fait un tabac dans les pays de l’est et aux Etats-Unis.


Le style antique qu’il a adopté pour le bouchon de ses flacons est particulièrement élégant. Il y a la version en cristal et la version en biscuit. Ce n'est pas seulement un joli contenant, c'est aussi un contenu. Son "Pêché cardinal", un jus à base de cassis, est enivrant. Il évoque un peu le Mûre et Musc de JEAN LAPORTE, mais de loin. Il est dans la lignée des GUERLAIN comme L'Heure Bleue ou Shalimar. On peut en mettre très peu : il sent fort et tient particulièrement longtemps.
 
La charmante styliste allemande Judith Hüsch nous a présenté une série de robes inspirées de flacons de parfums. Elle a repris par exemple le dessin du flacon de Gardenia (1924) de Mori, pour une robe blanche aux fleurs remontantes rouge et jaune. Les parfumeurs s’inspiraient autrefois des vêtements et aujourd’hui, les créateurs s’inspirent des flacons… Un concept intéressant et un retournement de l’histoire !

Nous l’avons appris grâce à la visite guidée passionnante de Jean-Marie Martin-Hattemberg qui était proposée aux visiteurs, sur les liens entre haute couture et parfumerie.

Jusqu’à la fin du 19e siècle, le parfum est un produit d’hygiène et pas de séduction. La ligne des flacons est simple et rassurante et la matière choisie, le verre. Un exemple typique : l’eau de Cologne aux vertus curatives, aseptisantes, que l’on utilise en friction pour une meilleure circulation du sang. La plupart du temps, le parfum est soliflore : il évoque une seule fleur.

La mutation a lieu en 1910 grâce à Paul Poiret, le premier qui ose allier couture et parfum. C’est le début de l’ère des couturiers-parfumeurs qui perdure aujourd’hui. Le parfum est pour lui un vêtement impalpable, un drapé olfactif. Le mariage entre les deux univers était inéluctable. Parallèlement, la stratégie commerciale évolue. François Coty a l’idée dès 1905 de multiplier les points de vente. Il a aussi l’idée de faire créer des flacons par René Lalique qui vient de triompher à l’exposition universelle de 1900. Le parfum devient une œuvre d’art et sa commercialisation, industrielle.

Divinessence nous a permis de découvrir les pièces les plus représentatives de ce mariage, et des curiosités.

La vitrine GUERLAIN avait la meilleure place, juste à l’entrée. Une première curiosité trônait au sommet des étagères : le bouquet de faunes (1920-25), un flacon Lalique exceptionnel avec trois têtes de faunes. Il pouvait contenir le parfum du même nom ou le parfum Jasmin. Le bouchon de cette 1ère version a des vagues, tandis qu’une deuxième version, non exposée, a un bouchon lisse.

Juste en face, on ne pouvait pas manquer les différentes versions de Miss Dior et Diorling. Le conférencier nous a expliqué, un peu vite à notre goût, l’histoire du chien adoré de CHRISTIAN DIOR, un bichon frisé immortalisé pour l’anniversaire de la création du parfum Miss Dior. Il a été « cristallisé » par Lalique et baptisé J’appartiens à Miss Dior (1954). Sa tête fait office de bouchon. Nous avions aussi deux versions de Diorling dans leurs flacons amphore. Un hommage à la princesse Grace de Monaco pour ce flacon habillé de bronze (1963) en cristal de Baccarat, avec un bouton de rose en guise de bouchon, imaginé par Georges Picaud. Et, présenté dans son écrin pourpre réalisé par le décorateur de CHRISTIAN DIOR Victor Grandpierre, un autre flacon, plus imposant, dessiné par Fernand Guerycolas.

Les concrètes MOLINARD, le créateur des parfums solides (1921), étaient particulièrement bien représentées, dans plusieurs vitrines. Tout l’éventail de ses créations les plus célèbres en concrètes était là, sous forme de pierres précieuses, de dés, de bérets ou de petites boules. Les 5 pierres précieuses ont été réalisées vers 1925 pour Les diamants de la couronne, en bakélite marbrée de rouge, bleu, noir, orange ou vert. Les dés en bois sont ceux du parfum Le Poker qui date de 1940. Tout petits et de toutes les couleurs…On se serait crus chez un chocolatier !

Dans un style plus classique, on ne pouvait pas passer à côté du flacon historique de LUCIEN LELONG sans s’arrêter. Le Lalique en cristal poli (1920-25) avec un dessin drapé noir est un peu l’emblème de la marque encore aujourd’hui. Sa ligne est très sage, rectiligne. Il est personnalisable : on peut y faire apposer son nom, une date… C’est surtout le même flacon pour tous les parfums LELONG à cette époque. Le plissé-drapé du parfum Jabot (1939), plus fantaisie, nous a étonné avec sa jupe virevoltante et son gros noeud.

Toujours dans l’esprit couture, on a remarqué le flacon très moderne de Zut (1939) de SCHIAPARELLI qui représente les jambes de Mistinguett. Il n’est pas sans rappeler une certaine série de flacons de parfum de Jean-Paul Gautier…Presque tous les noms des parfums de SCHIAPARELLI commencent par un « S » et pas celui-ci…Pourquoi ? C’est un cri du cœur qu’elle pousse à son retour à Paris après son exil aux Etats-Unis exil pendant la guerre. Un cri qui exprime sa révolte devant la perte  de son influence face aux nouveaux noms de la place de Paris : Dior…Tout aussi fou fou, le poudrier-cadran téléphonique (vers 1935) imaginé par Salvador Dali pour SCHIAPARELLI.

A noter l’anecdote qui accompagne le célèbre flacon de Shocking et son bouchon de fleurs : la mère de SCHIAPARELLI ne cessait de lui répéter dans son enfance qu’elle était laide et un jour Elsa fit un rêve où son visage était recouvert de fleurs. Léonor Fini et Fernand Guerycolas ont transposé ce rêve et imaginé ce flacon.

Le paradis des collectionneurs !

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