Scented Quote of the Day from French Poet Yves Bonnefoy, who Died Yesterday (1923-2016):

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Les fées à la cuisine

"Puis je m'endormis et je fis un de ces beaux rêves qui se détachent parfois, avec une netteté de poème, des griffonnages aveugles de l'inconscient.

Voici la fin de ce rêve. C'était le printemps ou les premiers jours de l'été, j'entrai dans une maison blanche assez basse cachée au fond d'un jardin, et là je pris un escalier qui descendait en larges spirales, mais sans rien perdre du grand éclat de la matinée finissante, où se mêlaient le vert des feuillages et les taches mouvantes de l'orangé des fruits mûrs...

A peine si une salle, où je fus soudain, se révéla moins brillante. Elle donnait par une porte-fenêtre sur le même jardin, dans ce qui paraissait ses assises les plus profondes, et c'était, cette de salle assez exiguë, une cuisine, meublée comme autrefois de bois ciré et de cuivre. Plusieurs petites filles s'y pressaient en riant auprès de vastes fourneaux. Et une odeur délicieuse d'huile fraîche montait des poêles noires où des œufs cuisaient doucement. Je regardai ces minimes soleils grésiller dans les parfums et les ombres. Et je vis que de temps en temps une des jeunes filles en prenait un dans une écumoire, pour le jeter dans des baquets sur le sol, où beaucoup d'autres gisaient, végétant ou près de s'éteindre. Je m'étonnai de cette bizarrerie. « Mais qu'en faire, en vérité, me dit-on. Nous sommes les fées, qui n'avons pas de besoins. Nous cuisinons pour notre plaisir. C'est ici la maison d'immortalité. » Et de rire toujours, visages pleins et mobiles de l'enfance qui va finir.

In Un rêve fait à Mantoue, 1967

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